Tel est le propre de...

Invité

Vendredi, 17h13'

"Mon existence serait-elle si pitoyable pour que je prenne du plaisir à regarder ces feuilles tomber?"

se questionna Artémis Wheart.

D'aussi loin que lui permettait sa mémoire - et Merlin seul sait à quel point sa mémoire est grande - Artémis ne se souvenait pas d'avoir un jour coché comme passe-temps favori dans la liste proposée l'option "regarder les feuilles tomber". Non, elle se souvenait plutôt de "lire à s'en donner mal à la tête" ou alors "terminer ses devoirs dans l'heure qui suit" ou bien "se murer dans un silence profond et solennel qui ferait fuir toute personne désirant m'approcher". Or, voilà qu'elle contemplait depuis plus de dix minutes ces feuilles rouges, orangés et parfois même dorées en train de virevolter au gré du vent pour venir se poser sur l'herbe humide du parc.

"Ma pauvre vieille, que t'arrive-t-il donc?"

Si seulement elle savait! Elle avait beau retourner dans tous les sens sa mémoire, qu'elle soit consciente ou inconsciente, rien ne lui venait à l'esprit pour lui permettre d'apporter une réponse sur sa façon d'agir. Déjà l'autre fois, dans le dortoir, ses camarades de chambre lui avaient fait remarquer qu'elle se comportait bizarrement. Sous entendu: encore plus bizarre qu'elle ne l'était déjà. Artémis s'était contenté de les regarder d'un oeil morne et avait haussé les épaules. Oui, elle savait qu'elle était encore plus distante que d'habitude, elle savait parfaitement que les gens qui la voyait se demandait si elle n'allait pas s'évanouir là, sur place, devant eux. Elle le savait et croyez là, si elle pouvait trouver ne serait-ce qu'une stupide raison à cette attitude... Elle la prendrait volontiers.

Elle n'avait pas reçu de lettre de sa mère, elle n'avait pas eu non plus de mauvaise note et elle n'avait aucun mal à suivre les cours, après tout, la reprise des cours venait de se faire et elle avait de l'avance considérable sur ses camarades.

"Alors quoi? Non d'un Botruc!"

Bien évidemment, la jeune Serdaigle savait que cela ne servait à rien de s'époumoner à voix haute. Cela n'allait certainement pas apporter une solution à son problème. Cela lui donnait seulement l'impression de passer pour une folle aux yeux des autres.

" Encore heureux qu'il n'y a personne à cette heure-ci."

C'était évident. Elle paraissait suffisamment folle à lier aux yeux de certains, ce n'était pas la peine d'en rajouter une couche. Mais, après tout, elle n'avait rien demandé aux autres. Les gens passent le plus clair de leur temps à étiqueter soigneusement les gens qu'ils rencontrent au cours de leur vie, comme si un jour ils pouvaient se dire "Tiens, j'avais un hypocrite dans mon tiroir l'autre fois. Je pourrai le ressortir aujourd'hui, non?" Comme s'ils pouvaient se permettre de classer les gens, sans même les connaître. " Tel est là le propre de l'homme, ma chérie", lui avait un jour dit sa grand-mère. Au départ, Arté ne comprenait pas le sens de ces paroles. Comme les hommes pouvaient-ils tous avoir le même "propre" et pourtant ne jamais s'entendre?
Il lui avait fallu quelques années pour trouver un semblant de réponse, et même ainsi, parfois elle remettait en question son raisonnement.

" Tel est le propre d'un Serdaigle"

dit-elle, tout haut.

Invité

- Elle est où votre cravate, Morgan ?

« Je l’ai perdue »

- Alors... Comment expliquez vous ça ?

«Sortez, Morgan»

" Tel est le propre d'un Serdaigle"

- Parler tout seul est un signe de folie. Est-ce le cas pour toi ?

- Je te dérange ?

- "Tel est le propre d'un Serdaigle"... De quoi parlais-tu, au juste ? ...Si ce n'est pas indiscret,

Invité

Sa respiration se bloqua. "Non, ce n'est pas possible. Pas lui." Malheureusement, si. Il se tenait devant elle, comme dans un rêve - que disait-elle? - un cauchemar plutôt! Il était là, les yeux rivés au sol, comme s'il attendait que les feuilles lui disent bonjour. "Remarque, tu contemples bien les feuilles tomber depuis dix minutes comme si c'était la chose la plus merveilleuse et improbable qu'il puisse exister."

Artémis soupira doucement, imperceptiblement. Elle allait lui répondre quelque chose, lorsqu'il lui lança quelque chose. D'un mouvement maladroit, la jeune fille récupéra la pomme - parce qu'il s'agissait d'un pomme - et regarda le jeune homme s'installer comme s'il y avait été invité.

- Je te dérange ?

- Où que tu sois, tu me dérangeras toujours, Morgan.

Froideur, quand tu nous tiens... La jeune fille scruta le Serpentard et elle sentit en elle monter cette boule de chaleur qui se manifestait toujours lorsqu'il se présentait devant elle: elle n'avait qu'une seule envie, c'était de lui lancer un maléfice cuisant, l'obligeant à terminer ses jours à l'infirmerie. Sauf qu'Artémis n'était pas ainsi, et qu'elle se contentait la plupart du temps de petites piques lancées par-ci, par là. Le plus souvent, ce qu'elle disait n'atteignait même pas le garçon, elle en était persuadée.

Lorsqu'elle constata - malheureusement - que le garçon n'avait pas l'intention de s'en aller, elle croisa les bras sous sa poitrine et soupira un peu plus fort. Il était là, assis tranquillement, à manger sa pomme et siffloter comme si la vie était belle et que les oiseaux chantaient. Arté jeta un coup d'oeil à la pomme qu'il lui avait lancée quelques instants plutôt et s'apprêta à la porter à sa pomme. Sauf qu'au moment où elle alla poser ses lèvres roses sur la chair dorée, elle s'arrêta brusquement.

- Qui me dit que tu n'essaies pas de m’empoissonner?

Il s'agissait là plus d'une question rhétorique, car elle se doutait bien qu'il éviterait de répondre. Finalement, elle croqua la pomme, appréciant le jus sucré qui s'en écoulait. "Vraiment, Artémis? Et s'il avait vraiment voulu te tuer?" A présent, il était trop tard. Mais la jeune fille doutait fort que Morgan ai voulu l'empoissonner. En tout cas, pas tant qu'ils seraient à Poudlard.

- "Tel est le propre d'un Serdaigle"... De quoi parlais-tu, au juste ? ...Si ce n'est pas indiscret.

- Tu es toujours indiscret, ne le sais-tu pas?

dit-elle, braquant ses yeux bleus sur le garçon.