Pour un jour d'octobre, le temps était passablement ensoleillé, mais ça, Lily ne put le constater dans les cachots sombres qui servaient de salle de classe. Dernier cours de la journée: les potions. C'était sans aucun doute la matière qu'elle aimait le plus, pas seulement parce qu'elle y était "prodigieusement douée" (dixit Slughorn), mais surtout parce qu'elle la trouvait fascinante. Il fallait, pour être un bon maître des potions, de la patience, de la précision et de l'attention. Certes, la patience n'était pas une vertu très connue des Gryffondors, peut-être était-ce pour cela que les potions étaient en général plus associées aux Serpentards. Mais Lily n'avait que faire des préjugés et se faisait un plaisir d'aller à leur encontre. Suivant précautionneusement les instructions de son manuel, elle versait, faisait tournoyer et combinait toutes sortes d'ingrédients, si bien que la potion était désormais bleu/gris tout en laissant échapper une agréable odeur. Le résultat était satisfaisant, mais il manquait quelque chose. La jeune fille s'était habituée aux recettes erronées des manuels, c'est pourquoi elle prenait parfois la liberté de modifier légèrement les combinaisons de préparation. Tout en subtilité, elle ajouta une pincée de poudre de mandragore et le contenu de son chaudron prit instantanément une teinte bleue-argenté qui lui indiqua que sa potion de Babillage était fin prête. Elle remplit un flacon avec soin et l'apporta jusqu'au bureau de Slughorn qui, après l'avoir inspecté, la félicita comme à l'accoutumé. Et c'est avec un grand sourire que la demoiselle retourna à sa table pour la nettoyer.

Moins d'une dizaine de minutes plus tard, la cloche retentit, Lily prit son sac, y fourra ses manuels, ses ingrédients, sa plume et son encrier et s'apprêtait à sortir de la salle quand la voix de Slughorn, étouffée par les bavardages, appela son nom. Lily se retourna et vit que le professeur lui faisait signe d’approcher.

« Oui professeur? »
Il s'avança et lui tendit un morceau de papier que Lily reconnut aussitôt. C’était une de ces invitations pour les soirées qu’il avait l’habitude d’organiser et auxquelles Lily était, en tant que membre du « Club de Slug », constamment conviée.

« Je fais une petite réception samedi, une petite réunion d'élèves, j'espère vous y voir! Voici votre invitation et celle de votre ami Severus, j'ai bêtement oublié de la lui donner tout à l'heure, pensez à la lui apporter. »
Lily secoua la tête en signe d'approbation. La vérité, c’est qu’elle était surchargée de devoirs et qu’elle doutait être présente ce soir-là, mais elle préféra ne rien dire. Connaissant Slughorn, il ne se contenterait pas de cette excuse et insisterait jusqu’à ce qu’elle lui promette de s’y rendre.

« Je n'y manquerai pas monsieur. »
Après tout, ce n’était pas vraiment un mensonge. Si elle trouvait le temps, elle comptait réellement y aller. Elle y resterait simplement moins longtemps que prévu, voilà tout. Quant à Severus, ce n’était les occasions de lui remettre la lettre qui manquait. Peut-être même irait-elle avec lui. Le professeur eut un sourire ravi et poursuivit avec enchantement:

« Parfait ! J'ai hâte de vous présenter une de mes vieilles connaissances: Devlin Whitehorn, vous en avez sûrement entendu parler, c'est le fondateur de la société Nimbus, les balais de course. »

«Hélas non, je viens d'une famille Moldue… », rappela-t-elle.
C’était une excuse qu’elle n’employait pas souvent et sa fierté en prenait un coup. Habituellement, elle pouvait prétendre connaître n’importe quel sujet, ses origines moldues n’étant pas une raison suffisante. Même si la rouquine s’était imposé de tout savoir sur le monde magique, elle n’avait pas (encore) lu tous les ouvrages de la bibliothèque et le Quidditch était loin d’être sa priorité !
Le professeur fit la moue.

« Ah oui, j'ai tendance à l'oublier... Eh bien, qu'à cela ne tienne, je vous présenterai! Figurez-vous que je l’ai eu comme élève quand il faisait ses études ici et c’était déjà un joueur de Quidditch très prometteur. »
Avec un remerciement, Lily sortit de la pièce et se dirigea, non pas vers la tour de Gryffondor, mais vers le parc.

Comme les BUSES guettaient les cinquième année à la fin du dernier trimestre, leur emploi du temps leur laissait énormément de temps libre. Leurs réjouissances avaient pourtant été de courte durée quand ils comprirent que ces temps libres ne leur serviraient pas à s’amuser mais bien à étudier. Et voilà pourquoi Miss Evans avait fini sa journée de cours à seulement 4h de l’après-midi. Elle comptait bien en profiter en prenant un peu l’air après deux heures à rester enfermée dans les cachots. Une fois dehors, la jeune sorcière ferma les yeux un instant, profitant d’une brise venant caresser sa belle chevelure flamboyante. Il ne faisait pas aussi beau qu'en été, mais elle s'en contentait. Là, prêt d’un arbre, elle s’assit, posa ses affaires et regarda autours d’elle. Il n’y avait pas beaucoup d’élève dehors, les autres étaient sûrement en cours ou dans la Grande Salle. Mais après quelques minutes, elle s’aperçut d’un brouhaha lointain. Se redressant pour percer la provenance de ce bruit, son regard s’arrêta un instant sur le terrain de Quidditch qu’on pouvait apercevoir du parc. Sûrement un entraînement en vue du prochain match, se dit-elle. Elle n’aurait su dire de quelle équipe il s’agissait exactement, mais elle doutait que ce soit Gryffondor, elle en aurait forcément entendu parler par Mary. Son regard se reporta sur les élèves du parc et plus particulièrement sur une jeune fille blonde qui ne lui était pas étrangère. Elle était de dos. Lily se pencha pour mieux la voir afin d’être bien sûre qu’il s’agissait bel et bien de celle à qui elle pensait. Cette silhouette et cette façon de se tenir… Oui, c’était Emma Ells, ça ne pouvait être qu’elle ! Lily se redressa hâtivement, ramassa son sac et s’approcha de la Serpentard. Une fois qu’elle fut suffisamment proche elle lança d’une voix claironnante :

« Eh bien, tu n’es pas en cours ? »
Quand elle se fut retournée, Lily lui adressa un petit signe de la main, un sourire aux lèvres.

« Salut ! »
Elle s’assit alors dans l’herbe, juste en face d’elle.
Bien qu’elle soit à Serpentard et d’un an sa cadette, Emma était une amie très chère à ses yeux. Leur rencontre leur avait permis de tisser une belle complicité qui, même maintenant, perdurait malgré les rivalités qui opposaient leur maison.